Une journée à Paris 8 (après-midi du 30 octobre)

Publié le par DEMS

13h30 Pause d'un cours. Comment le sacré et le profane, distinction absolue chez Durkheim, peuvent être néanmoins en corrélation ? Et pourquoi l'objectivité du sacré ne peut-être construite qu'avec du profane ? Et comment les choses sacrées relèvent plutôt de la pensée, des noumena ? Voilà des questions ridicules quand on va s'enquérir, à la pause, des élections.

Mais on y va tout de même, avec un certain plaisir et une certaine curiosité. On avait vu les mines du salon G s'allonger depuis une semaine dès lors qu'il parut évident que le candidat non issu des coteries, le petit nouveau, le Binczac, aurait la majorité. Les mongols étaient à la porte, on souffrirait le goulag, on se préparait à d'éclatants sepuku. Un bug dans le décompte au moins aussi massif que le bug de la gestion des flux dans le LMD. Le mal français c'est ça : on veut être marchand mais on ne sait pas compter.

Le candidat attend. Ca se passe bien.

13h45 Faudrait voir donc que les identités sacrées ne sont pas les objets, sinon on tombe en plein miracle. Et les miracles à tout bout de champ c'est fatigant : Pascal exige qu'on "croit les miracles", certes, mais non pas qu'on les manipule, ça c'est réservé aux anthropoths, ces derniers convulsionnaires du jansénisme, avec leur détestable manie de ressusciter.

14h35 Pour la première fois de sa vie, votre serviteur décroche son mobile en cours, alors qu'il rentrait doucement en lévitation. Quelqu'un du CA au bout de l'onde électromagnétique lui dit :

Alain Bourdin : 0
François Mellet : 3
Imad Saleh : 5
Jean-François Degremont : 19
Gérard Mairet : 21
Pascal Binczak : 56

Binczak est élu au premier tour.

On ne ramène pas un cerf-volant comme ça. Votre serviteur dit : "Y a point de sauveur suprême. Et s'il y en avait un, la sagesse commande : si tu es en train de planter un arbre, et que le messie arrive, finis de planter ton arbre (proverbe ladino)."

14h50 Vous avez déjà vu un cerf-volant planter un arbre ? C'est possible parce qu'avec cette histoire d'aliénation sacrée on confine à l'expérience mystique de Bataille.

14h les antropoths s'agglutinent en un infâme rhizome au secrétariat et dans la salle contiguë des enseignants. Y en a partout, sous les tables, sur les genoux de Michèle, squattant les deux pauvres ordinateurs qui restent.

14h30 Michèle et votre serviteur vont à la fête, non loin du bureau de Binczac, 2ème étage du D. Marée de bons sentiments.

Premier test. Votre serviteur fume. Il attend, après la deuxième, la troisième, la nième cigarette qu'on vienne le rabrouer puisqu'il repère des militants anti-fumée patentés dans l'essaim des adeptes du Champagne. Rien. Savez vous pourquoi ? Le nouveau président fume. Il y a deux heures à peine nous aurions été crucifiés sur la voie appienne.

Mêmes certains allons G viennent étant donné qu'ils viennent toujours aux pots collégiaux. Au fond, de ce côté-là, ils viennent tous sauf les durs. C'est un fête de la démocratie paraît-il.

15h30 Votre serviteur fait une tête de Bonaparte dans un salon de Thermidor sans Joséphine. Un lettré passe : tu devrais être content puisque le président, encore candidat, a parlé des sans-papiers. C'est dit avec l'autorité de la blague qui n'attend pas la répartie. D'ailleurs il n'entend pas : et les anthropologues sans-papiers ?

15h45 En sortant du pot on (re)trouve le président. Faut une réunion sur anthropologie, nous dit-il. Michèle et votre serviteur ne disent pas le contraire.

Deuxième test, involontaire. Mais voilà le trait qui nous perdra ou nous sauvera. C'est irrépressible chez votre serviteur, à cause sans doute de d'Artagnan et de Cyrano, qu'on devrait interdire aux enfants, car ça leur gâche la vie ensuite : y a tellement de fayots à ton pot que tu pourrais bien faire un cassoulet.

Ni Michèle, ni votre serviteur pourrait bien savoir qui a dit : de Toulouse ou de Castelnaudary ?

La permanence commence. Ah, quelle fatigue.
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S
Vos pots démocratiques ressemblent furieusement aux soirées chez les Verdurin.
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